Légende des temps passés - À la recherche des gènes de la civilisation maritime du Fujian

2020-02-17 10:29:29

Narrateur : Fan Xuechun (Chercheur au Musée du Fujian et directeur du Centre international de recherche sur les Austronésiens de Pingtan)

Il est confirmé au niveau archéologique que le site de Keqiutou de Pingtan est l’origine de la culture maritime du Fujian et de la culture préhistorique de la région Fujian-Taiwan ; au niveau des zones côtières du Fujian, c’est un des sites d’amas coquilliers les plus anciens encore jamais découverts de l’époque du néolithique, c’est aussi un des plus anciens sites de vestiges du néolithique qui a été mis à jour sur la côte ouest du détroit de Taiwan. C’est pour cette raison que Pingtan est considéré par le monde archéologique comme un objet d’étude fondamentale pour appréhender le lieu de départ des peuples austronésiens.

Il y a plus de 6500 ans, le site de Keqiutou se situait sur un plateau entre un contrefort et une baie, avec au nord la petite montagne de Mahoupu et au sud l’ancienne vasière de la baie. Son altitude n’était que de cinq mètres avec le terrain plat, les précipitations abondantes et l’ensoleillement suffisant. Le site faisait face à la baie à moins de cent mètres à l’est, et au nord s’étendaient de basses collines : ce lieu est un bon emplacement qui profite des avantages de la montagne qui donne sur la mer.

Cet endroit a fourni de ressources naturelles en abondance pour la vie et les activités de production des premiers habitants de Keqiutou, il est devenu un lieu de résidence idéal sur la côte. Ceux-ci y ont donné naissance à la culture maritime préhistorique unique, et les fouilles archéologiques ont permis de mettre à jour des preuves qui attestent que les premiers habitants installés à Keqiutou y ont vécu en chasseurs-cueilleurs.

Le district de Pingtan se situe à l’embouchure du fleuve Min, il est entouré par la mer et fait face à Taiwan, de l’autre côté de la mer. Des archéologues ont exhumé une quantité importante de coquillages et de squelettes de poissons à Keqiutou, indiquant qu’à l’époque la pêche constituait une source importante de nourriture. Certains chercheurs ont ainsi qualifié ce système d’économie adaptée à l’océan. Les premiers habitants utilisaient des poinçons et des poignards en os, ainsi que des pierres creusées pour faire levier ou briser les coquillages et retirer les chairs animales.

Sur le site archéologique ont également été découverts des outils en pierre polie, dont la représentative petite herminette plate de forme trapézoïdale, ainsi que des outils en pierre perforée. Parmi les outils produits, cette herminette de pierre est généralement plutôt petite, avec une longueur de seulement 3,5 cm : elle ne pouvait que difficilement être utilisée comme outil agricole en tant que telle, mais était plutôt utilisée et combinée avec un autre manche de hache pour cueillir ou arracher des aliments. Il est encore plus probable qu’elle ait été utilisée comme outil de menuiserie dans la construction d’habitation, la fabrication de pirogues et le travail du bois.

La nourriture nécessite des ustensiles et conteneurs. Une fois les aliments recueillis, les premiers habitants de Keqiutou utilisaient d’énormes chaudrons d’argile surélevés pour les cuire. À cette époque, les motifs décoratifs sur les poteries étaient simples, mais ils étaient d’une grande variété, comprenant des reliefs de cauris imprimés, des motifs à points, des gravures de bandes parallèles, des marques d’ongles, des creux gravés, etc. Les poteries étaient généralement de couleur grise, noire, mastic, rouge, et marron, ce qui démontre une cuisson inégale avec des températures peu élevées, cependant ces ornements traduisent le sens esthétique des premiers habitants de Keqiutou.

La culture de Keqiutou n’a pas existé de manière isolée : des sites préhistoriques similaires ont été découverts dans le Fujian tels que les sites archéologiques de Citanghou de Pingtan, de Nancuochang, des couches inférieures du site de Tanshishan dans le district de Minhou, ainsi que les couches culturelles inférieures du site de Xitou, etc. Par ailleurs, on trouve partout des similitudes aux caractéristiques culturelles de Keqiutou dans le sud jusqu’à la province de Canton, à l’est jusqu’à Taiwan, que cela soit au niveau culturel ou au niveau des vestiges. Nous pouvons même détourner notre regard un peu plus loin jusqu’à la péninsule indochinoise où se trouve le Vietnam : là-bas se trouve la culture indigène de l’Asie du Sud-Est, qui correspond à la culture des ancêtres du groupe ethnique Baiyue qui s’est constitué plus tard.

La culture de Keqiutou a justement pris place à la période historique où les Austronésiens ont quitté le continent pour migrer vers l’océan. Puisque ses caractéristiques culturelles portent les traces et témoignent de la tendance de dispersion vers les îles des cultures préhistoriques de cette région, cette dernière est devenue depuis ces dernières années un lieu privilégié pour les recherches internationales sur les Austronésiens.

Il y a environ 6000 ans, les êtres humains a commencé à migrer vers les régions côtières de manière organisée et à grande échelle : c’est à cette époque que les humains ont commencé à exploiter la mer. La datation du site culturel de Keqiutou coïncide justement avec l’époque où les austronésiens ont commencé à migrer vers l’océan, et d’un point de vue géographique et temporel, les anciens de Keqiutou étaient les plus à même de migrer vers l’océan.

À partir du XXe siècle, des archéologues, linguistes et ethnologues se sont rapprochés par différents moyens et ont estimé que la terre d’origine des peuples austronésiens se situe à l’extrémité est du continent asiatique, voire même sur la côte sud-est de la Chine. Il est intéressant de relever que les professeurs Lin Huixiang et Ling Chunsheng ont évoqué pour la première fois la possibilité que le groupe ethnique Baiyue du sud-est de la Chine constitue l’origine du peuple malais. L’importance de ce fait réside dans l’intégration du sud-est de la Chine et des peuples austronésiens dans un ensemble culturel indigène unifié.

La culture de Keqiutou et la culture taïwanaise de Dabenkeng possèdent d’importantes similitudes, ce qui confirme que les cultures préhistoriques du Fujian et de Taïwan ont connu des interactions aussi tôt qu’il y a 6500 ans. Le célèbre archéologue Zhang Guangzhi considère, au niveau des débuts de la culture de Dabenkeng, que « si elle représente l’ancêtre des groupes austronésiens sur l’île de Taïwan, cela signifierait que Taïwan devrait constituer au moins une partie du lieu d’origine des premiers Austronésiens », et que « si la culture de Fuguodun (actuelle Kinmen) est une manifestation de la culture de Dabenkeng sur la rive ouest du détroit de Taïwan, alors la recherche archéologique aura déjà préliminairement repoussé l’origine des Austronésiens sur les côtes des provinces de Canton et du Fujian. »

Actuellement, le point de vue généralement partagé par le milieu académique international est que : il y a environ 6000 ans, les anciens habitants des côtes du sud-est de la Chine ont commencé à effectuer des navigations en mer, ils ont progressivement effectué des migrations et se sont d’abord arrêtés à Taïwan où ils sont arrivés en premier. Il y a environ 5000 ans, ils se sont dispersés jusqu’aux Philippines, puis ils ont continué à émigrer vers l’est et le sud, répandant l’étincelle de la civilisation à travers l’Océan Pacifique et l’Océan Indien, constituant le plus grand groupe ethnique austronésien du monde actuel, réparti sur les îles du Pacifique Sud et de l’Océan Indien.

Si on porte son regard sur ce vaste sujet du point de vue de l'évolution intégrée de « la culture proto Baiyue et de la culture austronésienne », la culture Keqiutou, en tant que «progéniteur» de la culture Baiyue (c'est-à-dire la culture proto Baiyue) jouera un rôle clé dans les recherches futures, peut être considérée comme un maillon essentiel pour la recherche sur « l’origine et la dispersion des peuples austronésiens. »